Brexit is back !

Comment le gouvernement de Sa Très Gracieuse Majesté viole le droit international, mais de manière « spécifique et limitée »

A trois mois de la fin de la période de transition et du vrai Brexit, en pleine crise sanitaire mondiale qui a mis à genou l’économie et mobilise toutes les énergies, le Brexit fait un retour fracassant sur le devant de la scène britannique. C’est inévitable au vu de la paralysie des négociations entre Michel Barnier et Sir David Frost ; c’est aussi un drame politique et une crise identitaire nationale qui n’a pas cessé depuis plus de quatre ans ; cela n’est plus la préoccupation No1 des britanniques, des sondages montrant qu’ils sont plus divisés sur le port du masque ou sur les mesures de distanciation sociale qu’ils ne l’ont jamais été sur le Brexit – ce n’est pas peu dire. Après le gel de l’activé économique et sociale pendant le confinement, où l’économie britannique s’est contractée de 25% en un trimestre, les entreprises reprennent l’activité avec des contrastes marqués en fonction des secteurs – certaines totalement dévastées pas le Covid-19, en danger de mort, d’autres continuant leur expansion, par croissance externe et ou procédant à des mutations vers un nouveau monde que la pandémie a parfois accélérées.

Voici donc une piqûre de rappel historique et de brefs enseignements à tirer de ce dernier rebondissement de la saga Brexit.

Remise en contexte et rappel historique

L’accord dit Good Friday Agreement de 1998 qui mit fin à des décennies de conflits religieux en Irlande du Nord, et garantit l’absence de frontière physique entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Le vote en faveur du Brexit fait donc surgir un dilemme : cette frontière qui n’en est plus une (re)devient mécaniquement une frontière extérieure de l’Union – Irlande du Nord (avec le reste du Royaume-Uni) dehors, Eire dedans. L’Union européenne veut donc préserver l’intégrité du Marché unique – quid des importations par le Royaume-Uni de produits hors normes UE en provenance d’un pays tiers ? Le porc américain aux hormones pourrait arriver en conteneurs à Liverpool, traverser la mer d’Irlande vers Belfast, et entrer dans le Marché unique par la-frontière-qui-n’en-est-plus-une entre Irlande du Nord et Eire – le port de Belfast est à deux heures de camion de Dublin. L’un des piliers du Marché unique est en péril et au lendemain du référendum de juin 2016, l’UE suggère donc que l’Irlande du Nord fasse partie de l’accord de retrait. Les équipes de Michel Barnier ont déjà anticipé l’une des difficultés majeures de la mise en vigueur du Brexit. Le Royaume-Uni accède à cette demande sans réellement y penser – le capitaine David Cameron a quitté le navire ; Theresa May, gestionnaire mas pas leader, lui a succédé dans l’urgence ; un combat fratricide oppose les chefs de file Brexiters Michael Gove et Boris Johnson, qui devient Foreign Secretary *; sans parler du Parti Conservateur lui-même, au pouvoir mais enferré dans une guerre intestine et une crise identitaire qui dure encore. L’opposition Travailliste, inexistante, s’examine le nombril pendant des mois et élit un chef très au-dessous de la tâche. Le gouvernement gère donc dans la douleur le très court terme, incapable de se projeter dans la relation future avec l’Union européenne.

Ce contraste des deux approches va durer plus de trois ans : dans un camp, des négociateurs européens méthodiques et organisés, qui envisagent les effets du Brexit à long terme – Michel Barnier en est l’incarnation même ; en face, des Brexiters sans aucun plan ni vision, se préoccupant uniquement de conserver le pouvoir une semaine supplémentaire. David Davis, Secretary of State for Exiting the European Union de juillet 2016 à juillet 2018 en est la parfaite illustration : aussi dilettante que Michel Barnier est sérieux ; grégaire là où son alter ego paraît austère ; se lassant vite du détail quand Michel Barnier maîtrise parfaitement les dossiers. Les successeurs de David Davis, dont l’actuel Foreign Secretary Dominic Raab **, furent de la même eau. C’est l’une des grilles de lecture utile pour la suite des évènements.

Il n’existe que 2 solutions pour résoudre la cadrature du cercle irlandais: i) soit le Royaume-Uni reste aligné sur l’union douanière et les règles du Marché unique européen, résultat : pas de contrôle à la frontière Irlande du Nord – Eire, intégrité du Good Friday Agreement respectée ; ou ii) l’Irlande du Nord seule reste ainsi alignée, pas le reste du Royaume-Uni, résultat : contrôles douaniers et autres vérifications en mer d’Irlande, entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, et toujours pas de ‘frontière’ entre les deux Irlandes.

En décembre 2017, Theresa May envisage la deuxième solution, pragmatique – il existe déjà des ports, donc des infrastructures, qui desservent le trafic Grande-Bretagne – Irlande du Nord. Mais le parti Ulster Unionist, farouche défenseur du maintien de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni, s’y oppose catégoriquement : c’est le signal d’un début de séparation entre la Grande-Bretagne et la province nord-irlandaise. Theresa May, qui doit sa très maigre majorité au Parlement de Westminster à ces 10 députés nord-irlandais jusqu’au-boutistes, se rabat sur la première option : maintien ‘temporaire’ du Royaume-Uni dans l’Union douanière et le Marché unique, tout en professant l’intention de trouver une solution pérenne dans le cadre d’un accord de libre-échange Union européenne pour les échanges irlandais Nord-Sud – le fameux Irish Backstop. On appelle ça « kicking the can down the road » – devant un problème insoluble, on remet au lendemain une décision difficile que d’autres devront prendre, exercice auquel le  gouvernement britannique est devenu imbattable depuis trois ans et demi ! Publiquement, Theresa May adopte la ligne qu’aucun Premier ministre britannique ne mettrait sciemment en péril l’Union – pour mémoire, le nom complet de son parti est The Conservative and Unionist Party

Boris Johnson devient Premier ministre le 24 juillet 2019 suite à la démission de Theresa May. Celle-ci avait vu le Withdrawal Agreement (avec le fameux Irish Backstop), qu’elle avait signé avec Bruxelles fin 2018, défait trois fois par les députés, qui refusent de le ratifier. Le nouveau Premier ministre s’empresse de dénoncer l’Irish Backstop et se fait fort de négocier un nouvel accord avant la fin de la période transitoire fixée au 31 décembre 2020. Après des semaines de blocage, et à la suite d’une rencontre Boris Johnson – Leo Varadkar, le Taoiseach irlandais, à côté de Liverpool, le nouvel accord sans Irish Backstop est signé et sera celui-là ratifié par le Parlement. Un Premier ministre triomphal présente ce succès comme préparant un Brexit « oven-ready », ce slogan contribuant au succès électoral historique du 12 décembre 2019 : les Tories obtiennent une très confortable majorité de 81 sièges (il faut remonter au ‘règne’ de Margaret Thatcher en 1987 pour trouver un score supérieur – majorité de 101 sièges). Le seul ‘succès’ du Premier ministre a été de revenir à la position qui avait été proposée au lendemain du référendum par Michel Barnier plus de trois ans avant, soit des contrôles douaniers en mer d’Irlande. Mais les Brexiters présentent ce changement comme le succès de leur champion Boris Johnson qui a fait plier l’Union européenne, laquelle avait pourtant jurée que l’accord signé avec son prédécesseur était gravé dans le marbre.

Voilà pour le rappel historique. Depuis, le Covid-19 s’est invité dans la vie de tous et a mis l’économie mondiale à genou. Ironie des dates, le 30 janvier 2020, veille du jour officiel de la sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’OMS déclare l’état d’Urgence de Santé Publique à Portée Internationale (USPPI), à propos de la propagation du Covid-19. Le gouvernement britannique avait la tête ailleurs…

Nouvelle saison Brexit

Brexit joue fermement les seconds rôles depuis que la pandémie a atteint l’Europe. On avait tout juste noté que le Royaume-Uni ne demanderait pas d’extension de la période transitoire au-delà du 31 décembre 2020 – il avait jusqu’au 30 juin pour ce faire. Les entreprises sont mobilisées par le virus, et échaudées par tant de fausses alertes sur les préparatoires nécessaires à un Brexit qui se fait attendre et confortées par la victoire des Tories et leur Brexit « oven-ready ». Elles n’ont aucun appétit pour dépenser du temps et des budgets sur ce que beaucoup perçoivent comme un épouvantail, tant il y a eu de fausses alertes.

L’épisode 1 de la nouvelle ‘Saison’ du feuilleton Brexit commence par une première alerte début septembre : Sir David Frost, alter ego de Michel Barnier pour le Royaume-Uni, s’épanche dans un entretien accordé à un journal du dimanche : alors que les négociations piétinent, il y dénonce l’intransigeance de la position européenne et prévient que son pays ne deviendra pas un état vassal de l’Union européenne, et qu’il est prêt à quitter la table des négociations s’il n’obtient pas ce qu’il veut.  Boris Johnson renchérit : il exprime son effarement que l’accord qu’il a lui-même signé il y a moins d’un an et qui a servi de plate-forme à sa victoire électorale historique de décembre 2019 entraîne mécaniquement l’établissement d’une ‘frontière’ en mer d’Irlande, et constitue une façon indirecte pour l’UE d’imposer ses règles en matières d’aides étatiques à l’Irlande du Nord, c’est-à-dire le Royaume-Uni. Il renchérit en fournissant des explications que même un écolier n’ayant pas fait ses devoirs trouverait embarrassantes : « le traité a été signé dans la précipitation ». Tollé sur les réseaux sociaux, soupape de sûreté de l’exaspération collective : le Premier ministre est-il amnésique, cynique ou n’a-t-il réellement pas lu ou pas compris ce qu’il signait ? – la palme revient au Tweet qui annonce : « Quand le Premier ministre va savoir qui a signé cet accord, ça va chauffer !! »

Le deuxième épisode ne se fait pas attendre : le 9 septembre, le gouvernement présente au Parlement la Internet Market Bill (IMB). Scoop de Peter Foster, Public Policy Editor du FT et spécialiste du Brexit, qui en dévoile l’existence quelques jours avant : son analyse est que cette loi remettrait en cause la partie du Withdrawal Agreement traitant des vérifications douanières en mer d’Irlande. Il conclut que sous couvert de régler des ‘détails techniques’ cette loi modifierait unilatéralement un traité international fraichement signé. Si cela n’était pas venu du très respecté Peter Foster du très respecté FT, on croirait à un canular : l’Angleterre, le berceau de la common law millénaire, la ‘mère des parlements’ se propose de violer sciemment et cyniquement un traité international. Mais la constante de Brexit est de ne plus surprendre… Brandon Lewis, Secrétaire d’Etat à l’Irlande du Nord, membre du gouvernement de Sa Très Gracieuse Majesté, le confirme bien au Parlement : la loi que le gouvernement se propose de faire voter viole le droit international, mais de manière « spécifique et limitée » (on appréciera l’humour culotté, volontaire ou pas !). Le Premier ministre s’apprête sciemment à remettre en cause un accord qu’il a lui-même signé il y a moins d’un an. Même les observateurs cyniques de ce drame à rebondissements sont sans voix. S’en suit la démission de plusieurs hauts-fonctionnaires, dont un des conseils juridiques du gouvernement pour l’Angleterre, suivi de son alter ego écossais ; une déclaration des 5 prédécesseurs de Boris Johnson – John Major, Tony Blair, Gordon Brown, David Cameron et Theresa May (excusez du peu) tancent leur successeur et avertissent le Premier ministre que la réputation internationale du pays est en jeu et la parole du Royaume-Uni sur la scène internationale s’en trouvera affectée durablement. Même d’ardents Brexiters, tels le baron du parti Michael Howard ou l’ex Attorney General Geoffrey Cox QC *** ont fait savoir très publiquement leur opposition à cette déplorable initiative.  Twitter explose à nouveau, l’expression *spécifique et limitée* étant recyclée à l’infini, chacun y allant de son intention de commettre tel braquage ou tel vol à la tire légalement puisque de façon ‘spécifique et limitée’ – heureusement que nous avons encore l’humour…

Il suffit de relire la partie du Withdrawal Agreement qui couvre l’Irlande du Nord pour confirmer, on s’en doutait évidemment, que la position est sans ambiguïté : toutes les marchandises qui voyagent de la Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord doivent être traitées comme pouvant entrer sur le Marché unique (en traversant potentiellement la non-frontière Nord-Sud en Irlande) et donc sujette à contrôle puisqu’arrivant d’un pays tiers. Boris Johnson a signé ce traité, c’est lui qui l’a présenté comme son triomphe personnel et le Parlement l’a ratifié. Le Premier ministre et ses alliés renchérissent en expliquant sans sourciller que l’Union européenne essaie d’affamer le pays en effectuant un véritable blocus alimentaire à travers ces contrôles en mer d’Irlande ; que Bruxelles essaie d’écarteler le Royaume-Uni en séparant l’Irlande du Nord de la Grande-Bretagne et que l’Internal Market Bill vient donc protéger l’intégrité du pays – tant qu’à être de mauvaise foi, autant aller aussi loin que possible.

Dire que l’UE a une confiance limitée dans ses interlocuteurs britanniques serait l’euphémisme de la décennie. Une demande formelle de retrait du projet de loi a été notifié à Londres assortie de la menace de recours formel au processus de règlement des différends du Withdrawal Agreement. Adoptant l’adage anglais « we agree to disagree », Michel Barnier, avec calme et méthode, continue malgré tout la négociation. Son flegme, qu’en d’autres temps on aurait pu qualifier de britannique, force le respect.

Probabilité d’un accord avant le 31 décembre ?

Tournons-nous vers notre spécialiste en diagrammes Brexit, l’excellent Jon Worth, qui nous donne : 46% de chance de No Deal, 40% pour un Deal a minima et 14% crise du Parti Conservateur – voir le diagramme ci-dessous.

Jon Worth, vétéran de Brexit, avec ses diagrammes à flèches si reconnaissables, à consulter avec profit sur Twitter -@jonworth


Quid des entreprises ?

Les représentants des transporteurs routiers, l’un des secteurs en première ligne, montent au créneau pour s’alarmer du manque de préparation à l’érection d’une frontière sur l’axe Douvres-Calais – pas d’infrastructure pour les queues de camions à la frontière ; pas assez d’agents de douanes pour gérer les nouvelles formalités ; la floraison de nouvelles procédures et un système informatique pour déclarations en ligne non-testé. Réponse du gouvernement, pêle-mêle : dénonciation de l’impréparation des transporteurs ; annonce de la construction de parkings géants dans le Kent pour gérer les quelque 7 000 poids-lourds que le gouvernement lui-même estime feront la queue pendant deux jours avant de traverser le détroit ; introduction d’un permis pour rentrer dans le comté du Kent pour les transporteurs en route pour Douvres, l’idée étant de régler les formalités en amont de l’arrivée à la frontière. Railleries sur les réseaux sociaux : le Brexit, symbole d’union nationale créé des frontières internes – après l’Irlande du Nord, le comté du Kent est maintenant séparée du reste du pays par une frontière. La dernière saillie gouvernementale se surpasse par son aplomb : même si nous sommes prêt au rétablissement de la frontière sur l’axe Douvres-Calais, dit un Secrétaire d’Etat, cela ne sert à rien car l’UE et la France ne sont pas prêtes à faire face à l’afflux de trafic. Les accents Trumpiens de cette communication sont de plus en plus prononcés.

Les grands groupes, qui ont les moyens humains et budgétaires (même si bien sûr cela rogne les marges), sont prêts – comme m’a confié le dirigeant d’une grande marque française et mondiale qui met à jour les plans préparés pour le No Deal de mars 2019. L’industrie de la finance quant à elle a été la première à connaître son sort, intégrant très tôt la fin du passeport européen et prenant toutes ses dispositions. Entre autres effets visibles et dernier en date, les résidents de l’UE détenteurs d’un compte bancaire au Royaume-Uni sont priés en ce moment de fermer leur compte.

Les PME et ETI sont peu ou pas mobilisées, victimes de l’urgence Covid-19 et des multiples ‘cris au loup’ qui se sont succédés entre l’automne 2018 et fin 2019 et les successions d’échéances et de No Deal soi-disant urgentes – et elle n’ont ni le temps ni les moyens financiers ou humains de traiter le Brexit. Et dans une économie faite à 80% de services, il n’existe quasiment aucune source d’information sur le paysage post 31 décembre 2020, la négociation se concentrant sur la pêche ou les aides étatiques, ‘oubliant’ le quotidien des entreprises de service. Et quand ils ont le temps de s’interroger, ces entrepreneurs demandent à quoi ils doivent se préparer, auquel répond un silence assourdissant.

Les entreprises européennes et étrangères continuent à faire de la croissance externe au Royaume-Uni – à mon échelle modeste, je viens de finaliser deux acquisitions de PME anglaises, respectivement par un groupe franco-allemand et un grand groupe espagnol ; je travaille aussi sur quatre autres projets similaires pour des entreprises françaises et allemandes. Mes confrères, au cabinet et ailleurs, font état d’un niveau d’activité en M&A soutenu. D’autres clients déjà présents sont prêt à faire le dos rond en attendant des jours meilleurs, comptant sur Londres et le Royaume-Uni pour continuer à jouer son rôle de carrefour mondial des affaires et du tourisme à long terme. Il me semble qu’ils ont raison.

Conclusion : stratégie de la fuite en avant

Dans les débuts de la négociation – je crois qu’il s’agissait de l’été 2017 – face à l’apparente incohérence et les multiples voltefaces des négociateurs britanniques, un haut fonctionnaire européen avait observé que personne n’avait jamais vu des britanniques mal préparés. Il en concluait que ces errements devaient cacher une stratégie machiavélienne de joueur d’échec de haut vol. Il n’en est bien sûr rien, mais notre instinct continue de pencher pour une stratégie britannique, tant il est difficile d’admettre la réalité : incohérence due à une absence de stratégie conduite par un gouvernement où la fidélité l’emporte sur la compétence, et un personnel politique médiocre. Monsieur Fernand / Lino Ventura nous en offre une lecture limpide et directe : « Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ».

D’une part l’équipe de négociation britannique a une marge de manœuvre très étroite, n’ayant pas eu de véritable stratégie pendant près de 4 ans, elle le sait sans doute sans pouvoir l’admettre, même à elle-même ; d’autre part, ces mêmes négociateurs sont persuadés – ou s’en sont persuadés en l’absence d’alternatives – que l’UE va céder au dernier moment, puisque c’est comme cela qu’ils ont présenté à leur auditoire britannique les changements dans le Withdrawal Agreement de l’automne dernier. Cela s’appelle « paint yourself in a corner », et un adversaire piégé est imprévisible.

C’est un phénomène que je rencontre parfois professionnellement, principalement en M&A et en contentieux – une partie adverse dont on essaie de lire la stratégie pour mieux anticiper sa prochaine initiative et y être prêt. Hors trop souvent, on se trouve face à de la simple incompétence, ou à un confrère dépassé par le sujet mais qui ne peut pas l’admettre. Inversement, je suis toujours rassuré d’avoir un adversaire qui maîtrise son sujet, on gagne énormément de temps.

C’est malheureux pour les deux parties, mais l’Union européenne est face à un adversaire incompétent. C’est compliqué, car au-delà de l’accord en cours de négociation, suffisamment épineux, le Royaume-Uni doit bâtir avec l’Union européenne une relation pérenne où la confiance devra jouer un rôle fondamental : une nouvelle Special Relationship.

Olivier MOREL

28 septembre 2020


Le Foreign Secretary est l’un des quatre Great Offices of State, avec le Prime Minister, le Chancellor of the Exchequer et le Home Office. L’on se souviendra que dès le lendemain de sa nomination à ce poste emblématique, Boris Johnson était l’invité d’honneur de l’Ambassade de France pour les célébrations du 14 juillet. C’était son premier engagement public et il eut la distinction de se faire huer par l’audience (surement une première ?) lorsqu’il s’essaya à un parallèle pitoyable entre la Révolution française et la libération du joug de Bruxelles que représentait le Brexit.

** Dominic Raab, fraîchement nommé Ministre au DEXEU – Department for Exiting the European Union – avait fait la joie des caricaturistes et des réseaux sociaux en déclarant benoîtement qu’il n’avait pas réalisé que le pays était si tributaire du Pas-de-Calais pour ses échanges commerciaux, ou pour reprendre un thème des réseaux sociaux de l’époque, il ne s’est pas encore aperçu que nous sommes une ile.

*** L’Attorney General, conseil juridique de la Couronne et du Gouvernement d’Angleterre et du Pays de Galles n’a pas de réel équivalent en France. Hiérarchiquement subordonné au Ministre de la Justice, le poste joue un rôle très important dans l’architecture du système de gouvernement britannique – voir le rôle de l’Attorney General de Tony Blair pour justifier la deuxième invasion de l’Iraq en l’absence de résolution de l’ONU en 2003 et plus récemment sur la constitutionnalité de la suspension du parlement par Boris Johnson il y a un an.

Auteur : ochmorel

Né en France ; bilingue à 4 ans grâce à une mère un temps expatriée à Londres et au Texas ; mari et père (3) ; résident au Royaume Uni (+30 ans) ; binational (2 passeports) ; avocat d'affaires français et solicitor anglais ; passionné de rugby (coach et arbitre diplômé), d'histoire militaire, de géopolitique, de musique russe, de cinéma (Stanley Kubrick / David Lean) ; auteur d'articles et d'ouvrages, et intervenant tous médias sur le droit comparé français-anglais et les relations entre nos deux pays - et le Brexit (!) ; avide lecteur de bandes dessinées (Jacques Tardi).

Une réflexion sur « Brexit is back ! »

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